Le point de rencontre des MAXXI-maniacs…

Massive Attack livre un quatrième album aux reflets de banquise
Auteur: Melle PARKER (IP enregistrée)
Date: le 20 February 2003 à 00:40

Massive Attack livre un quatrième album aux reflets de banquise




Désormais réduit au seul Robert Del Naja, alias 3D, le groupe de Bristol signe un disque glacé, "100th Window", dominé par trois duos avec l'Irlandaise Sinead O'Connor.



Plus qu'aucun autre de ses confrères de Bristol - Portishead, Tricky -, Massive Attack a marqué le son des années 1990 en déshabillant méthodiquement les musiques noires et les rythmes de la club culture.



 
Avec un sens révolutionnaire de l'élégance et de la gravité, 3D, Mushroom et Daddy G isolaient les courbes sensuelles du dub et de la soul, lessivaient le hip-hop dans un bain de spleen, tenaient l'hédonisme house sous la menace d'une noirceur industrielle héritée du post-punk. A force de miser sur le dépouillement, Massive Attack allait bien finir par attraper froid.



Par une étrange coïncidence, le premier album du groupe, Blue Lines, ?uvre fondatrice, est paru dans les mois qui séparèrent l'invasion du Koweït de la guerre du Golfe. Le groupe avait alors accepté de modifier son nom en "Massive" laissant l'"attack" aux bons soins du Pentagone. 100th Windows paraît dans des circonstances similaires, mais le groupe a préservé l'intégrité de son nom, et 3D, qui constitue aujourd'hui à lui seul Massive Attack, est monté en première ligne dans le combat contre la guerre annoncée.



Blue Lines et Protection bardaient d'arcs-en-ciel les croisements entre soleil jamaïcain, volupté afro-américaine et bruine britannique ; Mezzanine, leur successeur, voyait le ciel se plomber et les néons blafards éclairer les réminiscences cold wave des fondateurs du trip-hop. Avec ce disque le groupe perdait Mushroom et devenait un duo. Depuis, c'est Daddy G, le géant de la Barbade, qui a choisi de se tenir à l'écart. L'Italo-Anglais Robert Del Naja, alias 3D, a donc conçu en solitaire 100th Window, nouvel album s'ouvrant sur des paysages de glace.


LA FÉE DES NEIGES


Future Proof accueille l'auditeur sous un grésil synthétique accompagné d'une guitare grelottante. Le chant murmuré de 3D se fait guide lysergique à travers ce blizzard. On connaît la minutie obsessionnelle de ce producteur-designer. Ses exigences de cohérence assurent le jusqu'au-boutisme de ses partis pris. Ayant choisi celui de l'hibernation, l'ancien DJ a mis en scène des morceaux qui semblent enregistrés sous une couche d'épaisse poudreuse. Le groove qui ondulait encore dans Mezzanine s'est ici figé, comme anesthésié par une informatique musicale distillant des nappes de fréon. Toujours imposantes, les basses avancent désormais avec la rectitude d'un brise-glace.



Les sons de 100th Window donnent souvent l'impression de perdre pied. Les rythmes battent comme un c?ur au ralenti, des cristaux de samples tissent une trame musicale fuyante, comme dispersée dans le disque dur altéré d'un ordinateur. A la frontière du sommeil, de lents tourbillons de cordes (Butterfly Caught, Antistar) se font l'écho étouffé d'un psychédélisme hindouisant.



Dans cette gangue arctique, on ne reconnaît plus le falsetto jamaïcain du vieux complice Horace Andy (Everywhen, Name Taken), devenu cri d'angoisse.



Le chant de Sinead O'Connor a lui aussi subi les rigueurs de cet hiver musical. C'est d'ailleurs la grande réussite de cet album. L'Irlandaise contient ici ses débordements pour magnifier trois chansons d'une sobre intensité : What Your Soul Sings, le single Special Cases, A Prayer for England. Dans cette dernière se mêlent la rage hiératique de la pasionaria de Dublin et la tension inquiète d'un 3D qui peut être nourrie par son militantisme contre la guerre.



Les trois titres avec cette fée des neiges sont les trois sommets d'un disque qui manque par ailleurs de relief. Car, à force d'?uvrer dans les ambiances cryogéniques, le Massive Attack de 3D finit par générer trop de somnolence. On admire souvent la beauté lancinante de ce givre, la perfection toujours renouvelée du design sonore, mais, sur la longueur, 100th Window se révèle trop linéaire dans ses mélodies comme dans ses tempos. Et on ne peut s'empêcher de penser que les légendaires engueulades qui animaient le groupe jusqu'à sa dispersion provoquaient aussi de salutaires pics de créativité, plus difficiles à atteindre en solitaire.



Stéphane Davet



Massive Attack, 100th Window (Delabel/Capitol).



Sujet Lectures Ecrit par Enregistré
Massive Attack livre un quatrième album aux reflets de banquise 9 Melle PARKER 20/02/2003 00:40


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